Dans cette rubrique, plein d´articles interressants ou rigolos que j´ai ramassés ça et là, le tout sur le français biensûr! à vous de voir...
 




Les calembours


      Lorsque vous dites "Tu rêves, Herbert ? " d'un seul coup, vous faites un calembour -( Tu réverbères ? ) Le calembour consiste à détourner le sens d'une expression, d'une phrase, en jouant sur les sonorités identiques de la langue.
     La langue française semble même être faite pour cet exercice qui, à la réflexion, mérite plus de considération que le mépris dans lequel on le tient généralement. En effet, il demande une grande agilité d'esprit, et une bonne connaissance de la langue.

    Ces jeux de langage sont caractéristiques de la langue française, il n'existe pas ou très peu dans les autres langues. Voici pourquoi:

     - Le caractère particulier du français est d'être vocalique et peu accentué, comparé aux langues européennes environnantes. Ainsi par exemple, la quasi-uniformité de notre langue fait que "les rapaces" peut se confondre avec "les rats passent "; alors qu'en anglais, "mighty tower" (puissante tour ), ne peut être confondu avec "my tea tower" (qui serait "ma tour où l'on sert le thé "), à cause de la forte accentuation sur tea, qui modifie complètement le sens de la série de sons. De même qu´en allemand "es eilig haben" (être préssé) ne sera en aucun cas confondu avec "das heilig Abend" (la veillée de Noel) du fait de la prononciation plus marquée du "h".

    - De plus, le français possède de nombreux mots homophones, c´est à dire qui se prononcent pareil; par exemple : sain, saint, ceint, cinq - ver, vert, vers, vair - sot, sceau, saut, seau - et tous les verbes du premier groupe ( aimer, aimez, aimée,...). La liste des homophones est inépuisable.

       Ces considérations expliquent pourquoi les calembours, quiproquos et équivoques ont toujours fait le régal des français.
       Au XVIe siècle, "ils ont mis l'écu ensemble ", signifiait "ils se sont mariés " - vous découvrirez pourquoi.
        Louis XVI aimait à répéter, cette innocente blague : "les puces sont de la secte d'Epicure (des piqûres ) et les poux de la secte d'Epictète (des pique-têtes )". Les parodies des vers tragiques font la joie des écoliers, on pense ainsi au fameux vers de Corneille dans Cinna : "Et le désir s'accroît quand l'effet se recule", détourné par des générations de collégien en "... quand les fesses reculent "- ce que Corneille avait probablement prévu, car on oublie combien nos aieux étaient farceurs.
        Ainsi, si vous aviez des illusions sur le sérieux de nos ancêtres, vous ne manqueriez pas de poissons, car, selon le vieux calembour séculaire : " les illusions sont...des truites !"

(d´après un article de C. Duneton )


D'ailleurs, la rime elle-même, si caractéristique de la poésie classique en français, frise souvent le calembour, particulièrement si elle est trop riche :
            "Vénus luisait, évanescente,
              Sur le chevet d'Eva naissante "
Victor Hugo composa ces deux alexandrins impossibles dans aucune autre langue au monde :      "Gall, amant de la Reine, alla, tour magnanime,
                              Galamment de l'arène à la tour Magne à Nîmes."

Voici quelques exemples de calembour, ( voulus ou inconscients ) :
 

"Entre deux mots, il faut choisir le moindre "
                                                               (Paul VALERY )

"On s'enlace - Puis un jour - On s'en lasse - C'est l'amour
                                                               (Victorien SARDOU )

(une coquette d'âge mûr, minaudant devant un jeune homme )
"- Méfiez-vous jeune homme, je suis rusée !
 - Oh madame ! C'est un "r" que vous vous donnez."
                                                              (STENDHAL, Correspondance )

(elle) - Il me faut, disons le mot, 50 000 francs...
(lui) - Par mois ?
(elle) - Par vous ou par un autre !
                                                             (Sacha GUITRY )

...Mais le bébé, il sait pas,
il sait pas à quel sein se dévouer
pour lui, c'est la mère à boire...
Elle était bonne pour moi, ma mère
C'était une mère veilleuse.
           (Marc FAVRO, alias SOL
                        Les Oeufs limpides)
 
 




Les nombres et les lettres


 
Depuis toujours, les hommes ont mêlé nombres et lettres.
          Ainsi par exemple, si les mots "compter" et "conter" ont la même phonétique en français, on s'aperçoit que ce regroupement entre chiffres et lettres existe dans beaucoup de langues. Compter des mots ou conter des chiffres, où est la différence ?
 
En français :
compter conter
anglais :
count recount
allemand :
zahlen erzählen
hébreu :
le saper li saper
chinois :
shu shu
(d'après B. Werber, ESRA )


De même, les chiffres sont parfois dissimulés derrière certains mots, et en affinent le sens :

Sous leur forme actuelle se devine :
dans diviser, l'idée de 2
dans trancher, l'idée de 3 (latin: "tres" )
dans équarrir, l'idée de 4 (quattuor )
dans esquinter, l'idée de 5(latin :quinque)
dans sieste, l'idée de 6 (latin: sexta, la "sixième" heure)
dans semaine, l'idée de 7
dans octobre, l'idée de 8 (latin: octo(ber), le huitième mois romain)
dans novembre, l'idée de 9 (neuvième mois romain)
dans décimer, l'idée de 10


Voici d'autres expressions qui contiennent des chiffres:

                   Se mettre sur son 31: il se pourrait bien que la signification de cette expression se trouve dans la déformation en trente et un du mot trentain, qui désignait autrefois une étoffe de qualité supérieure. Mettre son trentain devait être réservé aux grandes occasions, comme aujourd'hui, se mettre sur son trente et un.

                  Faire les 400 coups ne se dit que depuis le XVIIe siècle, plus précisément depuis 1622, date à laquelle, au siège de Montauban, Louis XIII avait fait tiré 400 coups de canon afin de montrer aux assiégés, en quelques sortes, sa force de dissuasion. Ce fut d'ailleurs sans succès. Depuis, l'expression s'est perpétuée, en acquérant plus récemment un sens moins militaire, mais tout aussi tapageur.

                  L'origine de l'expression 22! pour "attention, voilà les autorités" est beaucoup plus incroyable. C'est ainsi que les premiers typographes avaient pris l'habitude de prévenir leurs collègues de l'arrivée de leur chef d'atelier, par un signal codé que ce dernier ne pouvait pas comprendre. En effet, si 22 correspond à "chef", c'est que ce mot est composé d'un c (troisième lettre de l'alphabet), d'un h (huitième lettre), d'un e (cinquième lettre), et d'un f (sixième lettre); et 3+8+5+6=22 .
 


D'autre part, les poètes jouent depuis longtemps sur le rapport nombre/mot, ne serait-ce que par les vers et leur nombre de pieds bien déterminé; par exemple l'alexandrin qui compte 12 pieds, "et deux ailes " ajoutait J.Renard.
     Un petit jeu de salon a consisté à trouver chez nos poètes le plus long et le plus court des alexandrins:
 

              La palme revient à Acajou, poète modeste:
Pour le plus long:
" Quand on les regardait en face ou de travers,
  Leur yeux semblaient moins grands, leurs fronts moins découverts "
                                                                               (56 lettres)
Pour le plus court:
" 14397
   Fut le nombre annoncé par miss Elizabeth "
                                                      (5 chiffres)
Le record du nombre minimal de mots pour un alexandrin se cache dans la tragédie de R.Garnier, Les Juives (1583) :
" Métamorphoserait Nabuchodonosor "
(A.Jouette, Le Secret des nombres )



Les mots valise


 
    La notion de "mot-valise" est un des "jeux de langages" de la langue française. Il consiste à créer un nouveau mot  en associant deux ou plusieurs autres mots.
    Il suffit juste pour cela que les deux mots de départ se ressemblent phonétiquement, ou qu'ils aient par exemple une syllabe en commun: imagination et machination par exemple.
    Ensuite, il ne reste plus qu'à les "coller" ensemble au bon endroit (sur la syllabe en commun) pour obtenir un mot tout neuf : imachination
    Il ne reste plus qu'à trouver une définition au terme ainsi créé : "imachination : complot parfois ourdi en rêve contres ses ennemis".

     Ce procédé permet à quiconque en ayant le désir de créer des mots, des notions nouvelles. On en trouve des exemples dans la langue française avec le mot "logiciel", fait d"un bout de logique et de matériel, ou encore dans "informatique" qui signifie le traitement automatique de l'information.
     Mais loin des mots du langage commun, le plaisir des mots-valise consiste justement à jongler avec les notions et à créer tout un vocabulaire de mots farfelus, insolites, terrorifiant parfois les règles de l'orthographe, d'autant plus délicieux lorsqu'ils sont fourrés de jeux de mots!
    Nombreux furent aussi les auteurs à utiliser ce procédé, comme par exemple Alfred Jarry, qui crée dès 1896 tout un vocabulaire fait de mots-valise dans son œuvre Ubu roi: "boudouille (boudin+andouille), gidouille, bouffre,giborgne". Ou encore Boris Vian, dans L'Ecume des jours, avec son "pianocktail" qui fabrique des boissons assorties aux morceaux de jazz qu'on joue sur son clavier.


     Vous avez la recette, à vous d'essayer maintenant.
     Pour vous inspirer, voici quelques mots-valise extraits de l'exellent Petit fictionnaire illustré d'A. Finkielkraut:
 
 
Alambique : petit agneau plei d'entrain
Bidingue : qui délire en deux langues
Caveaubulaire : dictionnaire des mots hors d'usage
Chatrouiller : avoir une peur déraisonnable des chatouilles
Courant der' : ultime souffle de vie
Discourbette : parole servile ou flatteuse proférée pour s'attirer les bonnes grâces de son supérieur
Emirage : cheikh sans provision
Esperler : transpirer d'attente
Fadiaise : babillage amoureux insignifiant et musical
fossoigneur : chirurgien malhabile
Improvidence : Dieu gourvernant la création au jugé et sans plan d'ensemble
larmoir : meuble servant à ranger les pleurs
Macdolescence : jeunesse irrespectueuse de la tradition gastronomique française
Mère-pétuité : sentiment d'amour, de gratitude, de remord qui lie pour toujours l'enfant à sa mère. "Petit Oedipe devenu grand restera marqué par son complexe: il est condamné à mère-pétuité" Freud
Naturiste : corps sage sans corsage
Pense-heures : philosophe spécialisé dans les problèmes de temps
Quéquête : recherche balbutiante, hésitante "il n'y a aujourd'hui que deux urgences: les droits de l'homme, et la quéquête de Dieu"
Sapotage : soupe servie trop froide intentionellement
Scolère : coup de gueule étudié, rage livresque
Silenciel : mutisme obstiné de Dieu
Tonitruand : gangster braillard, et d'abord sympathique. La Canebière est célèbre pour ses tonitruands
Voutoyer :  s'adresser à quelqu'un en employant alternativement la seconde personne du singulier et du pluriel
Wagabon : voiture récalcitrante qui se détache du train et décide de vivre hors des rails
Zeros : Dieu de l'amour et des petits riens

Et d'autres mots-valises ici


 
Plus bientôt,... quand j'aurai de nouveau un ordinateur...

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